Confinée à l’est: Ingrid raconte son stage en Bulgarie

Vendredi 27 mars 2020

La pandémie que nous connaissons tous a entraîné la prise de mesures exceptionnelles dans l’ensemble des pays européens. Alors que la France, l’Espagne ou l’Italie sont en première ligne, les pays de l’Est sont, pour l’instant, à priori moins touchés. Ils n’en ont pas moins suivi, avec conviction, les recommandations de l’Union européenne et de l’Organisation Mondiale de la Santé.

La Bulgarie est en train d’achever sa deuxième semaine de confinement.

Ingrid, sur place, nous raconte son quotidien.

“Aujourd’hui, c’est mon douzième jour de quarantaine et la fin de mon deuxième mois de stage dans un établissement scolaire à quelques milliers de kilomètres de chez moi, dans la ville de Roussé, en Bulgarie. Enfin, pour ce qui est du stage, pour l’instant c’est un peu flou : en tant que lectrice de français, difficile de faire cours alors que les établissements scolaires sont fermés depuis le 5 mars.

Pour l’instant, en Bulgarie, un peu moins de 300 cas sont répertoriés, entraînant le décès de trois personnes. Les autorités restent néanmoins aux aguets. Les restaurants et les cafés sont fermés depuis le 13 mars, suivis de près par l’ensemble des commerces considérés comme non-essentiels, c’est-à-dire, comme ailleurs, les supermarchés et les pharmacies. Les parcs, jusqu’alors régulièrement visités avec une certaine insouciance, ont également été interdits d’accès. Tout comme dans d’autres pays, les seules sorties autorisées sont celles pour faire ses courses alimentaires ou autres achats médicaux, les courtes escapades autour de son logement seulement pour prendre l’air (et ne pas devenir fous). Mais pour l’instant, aucune attestation n’est nécessaire pour sortir.

“Les événements culturels se sont annulés les uns après les autres, dont la semaine de la Francophonie, prévue du 16 au 20 mars, que nous avions préparé depuis longtemps avec mes élèves et collègues francophones. Les restaurants et les cafés sont eux fermés depuis deux semaines environ. Tous les autres commerces ont suivi, sauf bien sûr, les supermarchés et les pharmacies. Ici, d’ailleurs, c’est étonnant car il ne manque ni de pâtes ni de papier toilette (ouf !) mais la farine de blé est devenue une denrée rare. C’est ainsi que j’ai fait le difficile apprentissage de la pâte à crêpes à la farine de sarrasin, un art bien plus délicat que ce à quoi je m’attendais. Comme quoi, même en période de confinement, on peut découvrir de nouvelles choses !”

Les Bulgares, eux, portent depuis longtemps des masques, craignant les épidémies de grippe même avant l’arrivée du Covid 19. En effet, on peut noter par exemple que les écoles sont fermées depuis plus longtemps que dans les autres pays : dès le 5 mars, les établissements scolaires ont fermé leurs portes à cause d’un autre risque d’épidémie, celui de la grippe B, avant d’allonger la fermeture aux vues de la situation mondiale et de l’arrivée des premiers cas diagnostiqués de Covid19 dans le pays.

Trois semaines déjà sans voir mes élèves et mes collègues en vrai. Malgré cela, les choses s’organisent, semaine après semaine, avec de plus en plus de précision : comment donner des cours en ligne, quels moyens utiliser pour contacter ses élèves, quels outils intéressants peut-on mobiliser à distance ? Les professeurs, et moi-même, nous nous formons au quotidien. Pour nous, pas de chômage technique, c’est même encore plus de travail que d’habitude !


Et ailleurs dans l’Europe de l’est?


En Roumanie voisine, un couvre-feu a été promulgué lundi dernier, avec interdiction de sortir de 22h à 6h du matin. Depuis mercredi, une attestation est également nécessaire pour sortir. Les Roumains sont prudents, et les rues de Bucarest, désertées.

Heureusement, je ne suis pas seule dans cette quarantaine, puisque mon copain est venu me rejoindre depuis la Serbie le 17 mars, alors que le Président de la République française annonçait la veille la fermeture imminente des frontières de l’Union Européenne. C’est donc à 10h30 qu’il a franchi la frontière, en voiture, direction Roussé, pour me rejoindre, répondant aux gardes-frontières surpris de voir une voiture ce matin-là, qu’il allait en Bulgarie par amour !


En Serbie, le Président annonce chaque soir en direct l’avancée des mesures prises contre le COVID19. Des mesures de quarantaine sont appliquées, avec interdiction de sortir de chez soi entre 17h et 5h du matin. Environ 300 000 ressortissants Serbes habitant dans d’autres pays européens sont revenus dans leurs pays d’origine depuis le début de la crise sanitaire. Pour ces derniers, la quarantaine qui devait jusqu’alors se passer à domicile, est désormais délocalisée dans des centres d’accueils spéciaux.


Pendant ce temps, le Bélarus (Biélorussie) fait la une de l’actualité, car c’est le seul pays à ne pas avoir pris de mesure de confinement particulière. La ligue de football biélorusse a lieu en ce moment même, dernière chance pour les Européens de voir des matchs en direct ce mois-ci.

L’année dernière, j’ai habité en Biélorussie pendant un an dans le cadre d’un volontariat du Corps Européen de Solidarité. J’ai beaucoup d’amis là-bas, et ça m’étonne de voir sur Instagram que leur quotidien n’a pas vraiment changé. Les cafés, les restaurants, et les événements culturels continuent de se dérouler comme si de rien n’était, même si certains de mes amis ressentent quand même une certaine inquiétude face à cette situation et évitent de sortir dans des lieux publics trop fréquentés.

Les frontières entre les pays sont, elles, à priori fermées jusqu’à nouvel ordre depuis un peu plus d’une semaine. Au niveau de l’humour, très présent le début de la crise, le Bélarus n’est pas en reste : on voit fleurir de nombreux mèmes sur internet qualifiant le pays comme “le plus libre et accueillant d’Europe” puisque la liberté de circulation est toujours de mise et qu’aucune frontière n’a pour l’instant été fermée (même si, évidemment, tous les états limitrophes ont depuis plusieurs jours fermé leurs frontières de leurs côtés). Mais hormis des mesures étatiques exceptionnelles, la crise du COVID19, c’est surtout tout un quotidien qui est à réinventer.

Et nous, depuis, comme tout le monde, on essaie de s’occuper sans se marcher dessus, ce qui peut arriver vite dans un petit appartement. Entre télé-travail, défi sportifs, dessins du jour, appels avec nos proches, repas et séries le soir, la journée passe étonnamment vite. Avoir un balcon est aussi un gros avantage dans ce genre de moment, ça permet de s’aérer, tout en restant en pyjama. Il y a aussi beaucoup de créativité qui se déploie sur internet et c’est un vrai plaisir de voir tous ces concerts à la maison, ces spectacles en ligne généreusement mis en accès libre par certains, et bien sûr toutes ces vidéos drôles qui changent un peu les idées.

L’inquiétude est présente, certes, mais la vie continue.