L’éducation non-formelle en classe grâce à des financements Erasmus+

Célèbre quant il s’agit de la mobilité des étudiants en Europe, le programme Erasmus+ est moins connu comme programme de soutien à l’échange de bonnes pratiques éducatives, ou l’impulsion de nouvelles approches socio-éducatives.

De janvier 2016 à octobre 2018, Erasmus+ a soutenu le projet CARMA – Approche maïeutique réciproque et méthodes d’apprentissage non formel pour la motivation des collégiens, via son action clé 3 – Soutien à la réforme des politiques.

Ce projet a donc permis la rencontre entre éducation formelle et éducation non-formelle pour lutter contre le décrochage scolaire auprès des jeunes collégiens des 7 pays partenaires : Autriche, Belgique, France, Italie, Portugal, Espagne et Turquie.

Coordonné au niveau européen par le Centro studi e iniziative europeo (CESIE) de Palerme, c’est dans le sud de la Nouvelle Aquitaine, plus précisément sur le territoire des Pays de l’Adour que le projet s’est mis en œuvre avec l’association Pistes-Solidaires en associant experts de l’éducation non-formelle et établissements scolaires.

Nous interviewons Magali Lansalot, directrice adjointe de Pistes-Solidaires, qui a travaillé à la mise en œuvre du projet pendant les 3 dernières années.

 

1.Pourquoi un projet avec un financement européen autour du décrochage scolaire et pourquoi Pistes-Solidaires a décidé d’en faire partie?

Les chiffres le confirment, le taux de décrochage scolaire en Europe reste élevé.

Si de nombreux pays, dont la France, ont d’ores et déjà atteint l’objectif européen fixé pour 2020 de passer en dessous de la barre des 10%, cela ne signifie pas pour autant que les élèves sont « accrochés », motivés pour participer activement à leur scolarité. Le décrochage scolaire a d’importantes conséquences sur la vie d’un individu.

En France par exemple, on estime le coût d’un décrocheur à 230 000 euros pour la société tout au long de sa vie.

C’est pourquoi la Commission européenne et les pays membres de l’UE se sont mis d’accord sur un Cadre Stratégique pour l’Education et la Formation, qui inclut un ensemble d’objectifs à atteindre d’ici 2020, à savoir :

  • réduire le taux de décrocheurs scolaires âgés de 18 à 24 ans ;
  • abaisser à moins de 15% le nombre de jeunes âgés de 15 ans ayant de grandes difficultés dans les domaines de la lecture, des mathématiques et des sciences. 

Le décrochage scolaire est et reste donc un enjeu et une priorité au niveau européen, mais aussi en France. C’est un sujet complexe et difficile à mesurer, notamment au collège, la scolarité restant encore obligatoire à ce moment là.

Les causes du décrochage scolaire sont multiples. CARMA a choisi de travailler autour de la motivation et de la participation des élèves, en permettant le croisement entre éducation formelle et éducation non-formelle au sein d’établissements scolaires.

Pistes-Solidaires, éducation de jeunesse et d’éducation populaire experte dans l’éducation non-formelle a tout de suite compris l’intérêt et le potentiel du projet qui avait une grande ambition : celle d’influencer les politiques éducatives des 7 pays partenaires.

2. Un projet donc très ambitieux, pouvez-nous en préciser les objectifs ?

Afin de réduire le taux de décrocheurs scolaires et d’augmenter la maîtrise de compétences de base chez les jeunes, le projet a permis d’introduire des méthodes d’éducation non-formelle dans les classes des établissements scolaires (trois collèges et un lycée).

Introduire, tester et développer des méthodes d’éducation non-formelle pour renforcer la motivation des jeunes et renforcer également les compétences des professeurs agissant en tant que facilitateurs et animateurs.

 

3. Comment le projet s’est-il structuré ?

Le projet était structuré en 4 phases distinctes, ce qui a permis de travailler auprès des 2 publics cibles : les élèves (âgés de 11 à 16 ans, plus particulièrement ceux en situation de difficulté scolaire et pouvant être de futurs décrocheurs scolaires) et les professeurs.

Les étapes du projet :

1.Une phase de préparation et de recherche pour identifier les besoins des groupes cibles et collecter des méthodes d’éducation non-formelle pouvant être intégrées dans le système scolaire.

2.Une formation européenne d’une semaine à destination des professeurs des établissements participant au projet aux méthodes et aux techniques d’éducation non-formelle à Palerme en octobre 2016.

3.Une phase d’expérimentation lors de laquelle des ressources et des outils d’évaluation ont été testés avec les groupes cibles en milieu scolaire (année scolaire 2017-2018).

4.Le partage des conclusions et des résultats du projet lors d’une conférence à Bruxelles en octobre 2018 en présence de représentants de la communauté éducative des pays partenaires (Rectorat de Bordeaux par exemple). 

 

4. En terme de mise en œuvre au niveau local, où et avec qui le projet CARMA s’est-il mis en place dans les Pays de l’Adour ?

Pistes-Solidaires a mené cet important travail avec une experte de l’éducation non-formelle, qui a accompagné les professeurs de 4 établissements scolaires, à savoir :

  • le lycée Polyvalent Jean Taris de Peyrehorade
  • le collège du Pays d’Orthe de Peyrehorade
  • le collège Rosa Parks de Pouillon
  • le collège Marracq de Bayonne à travers sa classe-relais qui travaille uniquement avec des jeunes en situation de décrochage scolaire.

 

5. Pouvez-nous donner des exemples concrets des ressources et des outils testés ?

Les professeurs participant au projet ont eux-mêmes décidé les méthodes qu’ils souhaitaient utiliser dans leur classe. Ils les ont adaptées en fonction de leur discipline, de leurs élèves mais aussi de leurs compétences.

Concrètement, cela s’est par exemple concrétisé par un travail autour de la Rome antique en utilisant une méthode de débat spécifique : celle du débat-pétale, une méthode collaborative permettant de travailler la réflexion de groupes, la capacité à s’exprimer et à débattre en public.

A Peyrehorade, c’est par exemple l’enseignement du coding qui a permis d’enseigner les méthodes de classement au sein du CDI.

On peut encore citer un important travail autour des émotions au sein de la classe-relais pour aider les élèves en situation de décrochage à prendre part activement aux activités proposées.

En fonction des besoins et des professeurs impliqués, une même méthode a pu être utilisée dans différentes matières et pour poursuivre des objectifs différents. Il faut souligner que ce ne sont pas seulement les enseignements théoriques qui ont été travaillés. Un important travail a aussi été mené sur l’environnement scolaire, la vie de classe…

 

 

 

6. Des résultats tellement satisfaisants et encourageants … qu’est-ce qu’il en est pour la suite ?

L’important travail mené aussi bien au niveau local qu’au niveau européen a permis d’aboutir à de nombreuses conclusions et résultats très positifs : les élèves ont renforcé leur motivation, l’acquisition de connaissances a été meilleur et les professeurs ont eux aussi développé de nombreuses compétences.

En terme de résultat produit, nous disposons d’un guide pratique pour accompagner les professeurs dans la mise en place d’activités non-formelles dans leurs classes.

Nous partageons ce résultat avec vous, la version française du guide est disponible sur notre site web

Le succès de CARMA est indéniable et il a donné lieu à de nombreuses initiatives. Les professeurs continuent d’utiliser des méthodes d’éducation non-formelle et associent de plus en plus de collègues à cette dynamique.

Nous avons donc souhaité poursuivre cette dynamique et cela sera à nouveau permis par le programme Erasmus+, dans le cadre d’un partenariat stratégique cette fois-ci ! Le projet DROP’IN a été sélectionné par l’Agence Erasmus+ française et se déroulera jusqu’au début de l’année 2021.

Pistes-Solidaires endosse le rôle du coordinateur du projet et a associé de nouveaux partenaires (Université, établissements scolaires et associations) de Belgique, Bulgarie, Italie et Lettonie, pour poursuivre un même objectif : croiser l’éducation formelle et l’éducation non-formelle au collège pour renforcer la motivation des élèves, l’attractivité des méthodes et contribuer à la réduction du décrochage scolaire.

Un point très positif à souligner quand même : le collège Rosa Parks de Pouilllon, collège associé pendant le projet CARMA, est devenu un partenaire officiel de ce nouveau projet !

Nous sommes ravis que l’Europe prenne une vraie place dans un établissement scolaire via le programme Erasmus+ !