Violences à l’égard des femmes : que fait l’UE?


25 novembre 2022 – Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Quand l’on parle des actions entreprises à l’échelle européenne afin de prévenir et lutter contres les violences à l’égard des femmes, la Convention d’Istanbul est l’un des premiers textes à citer. 


Convention d’Istanbul, kézako ?

Adoptée à Istanbul (Turquie) en 2011, entrée en vigueur en 2014, la convention du Conseil de l’Europe constitue la première convention internationale traitant spécifiquement de la prévention des violences basées sur le genre, de la protection des victimes et de la  condamnation des auteurs de ces mêmes violences.

Voilà la raison pour laquelle la Convention d’Istanbul est à juste titre considérée comme le point de référence le plus complet en termes de lutte contre les violences faites aux femmes. 



La Convention en quelques mots

Pour la 1ère fois, la Convention d’Istanbul a défini et criminalisé les actes de violence à l’égard des femmes.  Aussi suite à sa ratification, les États membres ont dû mettre en place des mesures spécifiques tels qu’un investissement massif dans l’éducation, la formation d’experts, le déploiement de programmes d’accompagnement pour les auteurs des violences, la mise en place de services de soutien appropriés.

Enfin, elle inclut une définition différente du « genre », comme « les rôles, comportements, activités et attributs socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes », par opposition à la définition habituelle basée sur le sexe de la personne. Un point qui est devenu l’aspect le plus contesté par certains États membres. 


Les critiques à ce jour

Bien qu’il s’agisse d’un texte très important, la Convention ne manque malheureusement pas de « limites ». 

Tout d’abord, le fait que des États comme la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la République Tchèque et la Slovaquie ne l’aient pas encore ratifié démontre la nécessaire urgence d’aborder la question de la violence faite aux femmes par le biais d’une législation européenne spécifique plus contraignante.

Aussi, d’après certains collectifs représentant les droits des femmes en Europe (par ex : Women-Lobby), la convention présente des faiblesses parmi lesquelles : 

  • L’absence d’un article qui protège les femmes de la violence numérique – un phénomène pourtant de plus en plus fréquent ces dernières années : 1 femme sur 5 déclare en effet souffrir de harcèlement en ligne ; 
  • Le fait que certains États émettent des reserves quant à la mise en application des articles de la convention auprès des femmes issues de l’immigration – car la convention peut dans certains cas de figure interferer avec la politique migratoire des Etats en question. 



Comment réagit l’Union européenne face à ces critiques ?

Helena Dalli, Commissaire européenne à l’Égalité.

Tout d’abord, l’Union européenne, qui a signé la Convention, souhaite adopter et ratifier les obligations qui découlent de cet accord : ceci est plus précisément l’une des priorités de la Commission européenne actuelle. Toutefois, la décision finale reste bloquée au niveau du Conseil de l’UE. 

En effet, la situation est unique : tous les États membres ont signé la convention, mais seuls 21 l’ont ratifiée. La Hongrie, la Bulgarie, la République Tchèque, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie refusent de poursuivre le processus pour une querelle sémantique sur la définition exacte du « genre ». 

En effet, pour ces gouvernements, de plus en plus conservateurs sur le plan social, une telle définition changerait la vision classique des distinctions F/H et des « valeurs familiales ».

En raison de ce blocage, le 8 mars 2022, la Commission européenne a proposé une directive européenne pour la lutte contre les violences à l’égard des femmes et contre la violence domestique

Elle annonce, plus précisément, une meilleure coordination, de meilleures pratiques préventives, un meilleur soutien aux victimes et des procédures pénales étendues à un large spectre de violences – parmi lesquelles la cyber-violence qui y est désormais incluse en tant qu’infraction pénale. 

En parallèle, 30,5 millions d’euros provenant de fonds européens ont été mis à disposition en 2022 pour des projets de prévention et de lutte. 


Pourquoi une directive ?

Parce que le processus de mise en œuvre de la directive ne nécessite pas l’unanimité des États membres – l’adoption se fait en effet à la majorité qualifiée. Cela est donc une façon de contourner le blocage des 6 États membres mentionnés ci-dessus : une fois adoptée, la directive obligera tous les États membres à respecter ses dispositions, y compris ceux qui n’ont pas encore ratifié la Convention d’Istanbul. 


Le possible impact 

Une action législative ciblée et à l’échelle de l’UE est absolument nécessaire pour garantir l’efficacité opérationnelle des mesures d’ores et déjà existantes et pour établir  ainsi un minimum de règles à même de combattre très concrètement la violence à l’égard des femmes. 



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Sources:

A first insight into the EU proposal for a Directive on countering violence against women and domestic violence. (2022, April 6). EJIL: Talk!

Baume, M. de la. (2021, April 12). How the Istanbul Convention became a symbol of Europe’s cultural wars. POLITICO

Council of Europe. (n.d.). Key facts about the Istanbul Convention. Istanbul ConventionAction Against Violence Against Women and Domestic Violence

European Commission. (2022, March 8). DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

European Parliament. (n.d.). EU accession to the Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women (‘Istanbul Convention’) | Legislative Train Schedule

European Parliament. (2021, November). The Istanbul Convention: A tool for combating violence against women and girls.

European Women’s Lobby. (2020). TOWARDS A EUROPE FREE FROM MALE VIOLENCE AGAINST WOMEN AND GIRLS.

International Women’s Day 2022: Commission proposes EU-wide rules to combat violence against women and domestic violence. (n.d.). European Commission – European Commission

Questions et réponses: proposition de la Commission concernant de nouvelles règles à l’échelle de l’UE pour mettre un terme à la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. (n.d.). European Commission – European Commission

The Istanbul Convention: A Missed Opportunity in Mainstreaming Cyberviolence against Women in Human Rights Law? (2022, March 9). EJIL: Talk!