Bruxelles pourrait déclencher son « arme nucléaire » contre Varsovie ?

The national flag of Poland next to the European flag

Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, s’est dit prêt à déclencher contre la Pologne l’article 7 du Traité de l’UE, suite à la réforme du système judiciaire polonais votée par le Parlement polonais. La procédure en question, une véritable « arme nucléaire » telle que définie, pourrait conduire, en cas de « violation grave et persistante» de l’Etat de droit, à la suspension du droit de vote de la Pologne au sein du Conseil européen.

Que s’est-il passé ?

Depuis son arrivé au pouvoir en octobre 2015, le parti conservateur polonais Droit et Justice a entrepris plusieurs réformes radicales, celles du tribunal constitutionnel et des média publics par exemple, qui ont suscité de fortes inquiétudes au sein du Collège de la Commission européenne.

Les 21 et 22 juillet dernier, deux autres textes ont été adoptés par le Parlement polonais : l’un porte sur le Conseil national de la magistrature et prévoit que ses membres seront choisis par le Parlement, à la majorité qualifiée ; l’autre modifie le régime des tribunaux de droit commun dont les présidents sont nommés par le ministre de la justice.

Malgré les manifestations de la société civile polonaise, descendue en masse dans les rues le week-end suivant le vote pour défendre les valeurs d’indépendance et de liberté, Andrezj Duda, président de la République de Pologne, a mis son veto sur une partie du projet seulement.

Quelle a été la réaction de Bruxelles ?

Dans un dialogue qui dure depuis un an et demi, Varsovie a ignoré les avertissements de Bruxelles, qui avait précédemment intimé au gouvernement polonais de suspendre ses réformes du système judiciaire, agitant la menace d’une sanction sans précédent.

Le vice-président de la Commission Frans Timmermans, qui est entre autre chargé de l’Etat de droit au sein de la Commission européenne, s’est déclaré prêt à activer l’article 7 du Traité de l’Union européenne, la dénommée « bombe nucléaire » des institutions européennes qui pourrait entraîner, comme ultime sanction, la suspension du droit de vote de la Pologne au sein du Conseil européen.

Pourquoi une réaction si drastique ?

« La mise en œuvre de l’article 7 suppose que soient réunies des conditions de fond relatives à la violation ou au risque de violation des valeurs communes de l’Union » (COM/2003/0606 final). Avec sa réforme du système judiciaire, l’exécutif polonais assumerait une forte influence sur la Cour suprême, et sur toute la magistrature polonaise en général. Il contreviendrait, de cette manière, aux valeurs européennes de liberté, de démocratie, d’égalité et d’Etat de droit.

Qu’est-ce qu’il va se passer ?

La procédure peut être lancée à tout moment sur proposition motivée d’un tiers des Etats membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne. Elle prévoit un mécanisme de prévention qui peut être engagé en cas de « risque clair » et un mécanisme de sanctions si l’outrage aux valeurs communes est constaté et existe effectivement. Pour cela, il est nécessaire que le Conseil européen statue à l’unanimité. Le vice-président Timmermans se dit déterminé à demander le soutien des autres Etats membres, mais il pourrait se vérifier que certains Pays courent au secours de Varsovie et s’opposent donc à l’article 7.

Bruxelles attend une réponse de la part de Varsovie avant de prendre sa décision en septembre.

 

Pour plus d’informations

Article 7 du Traité de l’Union européenne (Traité de Lisbonne)

Renforcer le respect de l’État de droit dans l’UE : Regards critiques sur les nouveaux mécanismes proposés par la Commission et le Conseil (source: Fondation Robert Schuman)

Discours de Frans Timmermans du 19 juillet 2017 (en anglais)

 

Image à la une : © European Union , 2017   /  Source: EC – Audiovisual Service   /   Photo: Mauro Bottaro